John Reece
De John Reece à la boutonnière Reece J.
Page extraite du livre “75 years Reece”. (1956), célébrant le 75ème anniversaire des machines à boutonnières Reece.
Photo: Reece Rapid.
A la recherche d’informations au sujet de ma machine “Reece Rapid”,
J’ai trouvé cette vidéo sur Youtube, à propos d’une machine Reece J. qui était encore opérationnelle.
J’ai réussi à entrer en contact avec le propriétaire (Français) de cette machine.
Après de longs échanges de correspondance, le propriétaire de cette machine m’a proposé de le ma vendre. Voilà comment une machine aussi rare est entrée en ma possession.
Qui était John Reece?
John Reece est né le 3 Septembre 1853 à Stanstead (Québec), Canada. Il est décédé en 1896.
Il n’est âgé que de 18 ans lorsqu’il s’associe à O.Morill, afin d’ouvrir une petite usine à Rock Island (Québec, Canada, à laquelle sont annexés une fonderie et un atelier de mécanique.
Deux ans plus tard, il se lance dans la production et la vente de machines à coudre, entièrement réalisées dans son atelier. Ces machines étaient, selon des coupures de presses publiées à cette époque, de très haute qualité.
Il faut reconnaître que John Reece semblait être doté d’un don inné pour tout ce qui touche à la mécanique : il avait déjà réussi à construire, avant son 20ème anniversaire, un orgue qu’il avait installé dans son église paroissiale de Vermont, Canada.
John Reece montra rapidement son intérêt pour les machines à coudre de tout type. Afin de diversifier son activité, il se lança aussi dans la réparation des machines à coudre industrielles.
A cette époque, il y avait de nombreuses entreprises de vêtements, qui étaient déjà équipées de machines à coudre. Les boutonnières devaient encore être réalisées à la main. Malgré le fait que plus de 18 brevets avaient déjà été déposés pour des machines permettant de réaliser des boutonnières, aucune de ces machines n’était utilisable.
John Reece a alors l’idée est de concevoir une machine qui, lors d’un cycle complet, coupe le tissu et puis coud la boutonnière tout autour en même temps, afin de former un œillet.
John Reece dépose un brevet dès la réussite de l’élaboration d’une machine de boutonnières pleinement opérationnelle. Il s’agit du brevet US. N ° 240,256 déposé le 26 avril 1881.
Lien vers le brevet.
Photo de Reece J ; issue du catalogue susmentionné.
Cette machine est une révolution dans le monde de la couture, vu qu’elle est la première qui permette de ne plus coudre les boutonnières à la main. Outre un gain de temps non négligeable, cette invention va aussi avoir pour effet de standardiser la taille des boutonnières. Le succès commercial est tel que Reece et son associé décident de fonder une société spécialisée dans les machines à coudre les boutonnières. C’est ainsi que la "Reece Button Hole Sewing Machine Co." voit le jour en 1881.
La société est enregistrée à Portland, Maine (États-Unis).
La production a commencé dans des espaces louées dans le complexe « Reed Block », sur la rue Thayer, à Boston (USA).
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Fig. le bâtiment en 1881.
C’est également dans ce bâtiment qu'Alexander Graham Bell a inventé son téléphone.
Selon certaines sources, Reece et Bell auraient d’ailleurs travaillé ensemble sur certaines inventions.
En 1883, une nouvelle société est créée : l’ " International Button Hole Sewing Machine Company". Cette société avait pour seul but de conclure des contrats de leasing, principalement à l’étranger, pour les machines à poser les boutonnières fabriquées par Reece.
Cela permettait aux fripiers de louer ces machines à boutonnières, qui bien que fort onéreuses leur étaient nécessaires, à un prix d’investissement fort réduit.
Image : Compteur d’une Reece Rapid.
La machine à boutonnière développée par John Reece remporte un prix lors de l’Exposition Universelle de Chicago en 1893, ce qui dope encore plus ses ventes. Afin de pouvoir suivre la demande, il est alors nécessaire de construire un nouveau hall industriel, plus grand, et des plus modernes pour l’époque, au numéro 500 de l’Harrison Avenue, à Boston.
Photo du bâtiment.
Les festivités d’inauguration du nouveau bâtiment sont obscurcies par le décès de John Reece, le 31 mars 1896. La rumeur veut qu’il soit décédé en essayant de sauver un employé dans son usine, qui risquait d'être écrasé par un ascenseur en mouvement. Reece se précipita vers le câble, dans l'espoir d'arrêter l'ascenseur, mais il a manqué celui-ci et tomba dans le vide.
Il a été enterré dans le caveau familial, dans le cimetière de Forest Hills, à Boston, dans le Massachusetts.
Photo de John Reece.
Le caveau familial est surplombé d’une sculpture de William Ordway Partridge (1861-1930).
Le décès du l’inventeur de la première machine à coudre les boutonnières n’a aucun impact sur les ventes de ses machines, bien au contraire !
Elles remportent même une médaille « Grand Prix » lors de l’Exposition Universelle de Paris en 1900.
Image du Grand Prix :
Le succès commercial suivant survient en 1908, où la firme commencera à commercialiser une machine à coudre les chaussures « à grande vitesse ». Il s’agit d’une machine à point noué qui est construite sur les mêmes principes que la Reece J. mais avec deux roues qui apportent la force motrice au lieu d’une, ce qui rend cette machine nettement plus puissante et plus rapide.
Photo: High Speed Shoe Machine.
Il est important ici de bien se resituer dans le contexte de l’époque. A l’aube du 20ème siècle, des usines éclosent un peu partout, au fur et à mesure que l’industrie d’adapte aux méthodes de production de masse.
Celle-ci permettra à la population d’acheter des vêtements de qualités à des prix démocratiques.
La firme Reece contribue au progrès industriel à travers son « High Speed Shoe Machine », mais aussi par son « Hand Hole Buttonhole Machine ».
Il s’agit de la première machine à coudre les boutonnières entièrement automatique destinée aux tailleurs.
Son succès immédiat s’explique par sa grande capacité de production et par le fait que les boutonnières que cette machine réalisait ressemblaient très étroitement aux boutonnières réalisées par les couturières les plus expérimentées.
Photo: Reece "Hand-Hole".
Le point formé par la machine « Hand Hole » a été appelé le « point Reece ». C’est devenu un standard dans de nombreux pays, notamment pour les uniformes.
Photo : boutonnières de diverses formes réalisées vers 1910 avec une machine Reece.
En 1910, la firme Reece commence la commercialisation d’une machine à coudre les boutons capable, selon la documentation technique de l’époque, de coudre 18 boutons sur une chaussure en 3 secondes.
La firme Reece aurait-elle oublié un « 0 » dans son prospectus ? Cela parait en tout cas fort probable.
Cinq ans plus tard, en 1915, une nouvelle machine à boutonnière, la « Reece Rapid » à deux aiguilles, plus rapide est mise sur le marché. Cette nouvelle machine va permettre de réaliser encore plus vite les boutonnières standard ainsi que les boutonnières de forme spéciale pour les chaussures, cols, manchettes et tenues de sport. Il s’agit d’une machine concue pour répondre aux besoins particuliers des chausseurs, du fait qu’à l’époque, les chaussures et les bottines sont le plus souvent fermées par des boutons.
Cette machine était équipée d’un coupe-fil et d’une sorte de pompe à air intégrée qui soufflait de l’air frais autour de l’aiguille et du tissu avant de former chaque point.
Photo : Reece Rapid
Les années 1920 vont être difficiles pour la firme Reece. Les chaussures ne se ferment le plus souvent plus à l’aide de boutons et les cols amovibles n’ont plus la cote. On pourra citer pour exemple la petite ville de Troye, où ses 3 principales usines de vêtements vont retourner 600 machines, d’une capacité totale de 5 millions de boutonnières par jour, en mettant fin à leur contrat de leasing.
Pour compenser cette perte de marché, la firme Reece va développer des succursales en France et en Australie, afin de conquérir de nouveaux marchés.
Le modèle 101 est commercialisé à partir de 1935. Il s’agit d’une machine produite à partir d’acier et d’aluminium, bien plus rapide et bien plus fiable que les machines précédemment produites.
Photo Reece 101
Il ne faudra que quelques années pour vois deux nouveaux modèles arriver : les S1 et S2. La Reece S1 est une machine à boutonnière à point de chainette (un seul fil) qui ne fut pas vraiment populaire. La firme Reece revoit alors sa copie et commercialise la Reece S2 à partir de 1945. Cette machine, plus rapide et plus fiable, rencontre un franc succès.
Photo: Reece S2
La firme Reece lance son modèle “Reece PB”. (PipedButtonhole) en 1952. Cette machine, qui est également connue sous le nom de « machine qui ne pouvait pas être construite », a nécessité des années de développements intensifs afin de permettre à ses utilisateurs de réaliser des boutonnières passepoilées. Cette petite merveille de technique et d’électronique était le précurseur des machines automatiques modernes que nous connaissons aujourd’hui. Cette machine était bien sûr, comme ses prédécesseuses, disponibles à la location.
Photo: Reece PB:
Aperçu du programme de livraison Reece de 1956:
En 1958, commence la commercialisation du modèle ”Reece PW”, qui permet la réalisation de poches passepoilées. Il s’agit d’une machine pneumatique qui a également demandé de nombreux développements techniques.
Photo d’une machine Reece PocketWelting de +/- 1980:
Durant les années 50, trois nouvelles usines vont être construites, en raison de la forte demande. Deux de ces machines se trouvent en Amérique et la troisième aux Pays-Bas, à Leiden, qui fabriquera des machines à boutonnières de 1959 à 1994. Les machines pouvaient également y être renvoyées pour révision. Une fois révisées, les machines était gravées du sigle RB. (Rebuild) afin de les rendre bien reconnaissables.
Malheureusment, je n’ai pas pu retrouver de publicité relative à l’usine de Leiden.
Photo: photo d’une boite de transport d’une machine fabriquée à Leiden
La firme Reece a survécu à la période que les Allemands ont appelé la “Grosse Firmensterben”, que l’on pourrait traduire comme la “Grande Mort des Entreprises”. Reece existe d’ailleurs toujours. Pour cela, elle s’est associée à la firme AMF, ainsi qu’avec Minerva.
La firme American Machine & Foundry (AMF en abrégé) est connue pour ses machines qui imitent les points réalisés à la main. Cette machine fonctionne avec une aiguille qui a deux pointes et dont le chas se situe au milieu de l’aiguille, comme en 1755 lorsque Weisenthal en a déposé la patente.
Photo d’une aiguille AMF.
AMF a appelé cette aiguille “l’aiguille flottante”. L’aiguille passe sous le tissu, un point se forme en dessous, l’aiguille remonte et libère le point du dessous, l’aiguille redescend sous le tissu, un point se forme au-dessus, l’aiguille remonte et libère le point du dessus, etc.
Photo d’une machine à coudre AMF utilisant une aiguille flottante.
Photo d’une machine AMF dont on peut apercevoir le mécanisme intérieur.
AMF a aussi lancé, en 1960, une machine à poser els boutons qui fonctionne avec le principe de l’aiguille flottante. L’avantage d’une telle machine est que la couture réalisée est équivalente à celle d’une couture réalisée à la main, ce qui permet d’éviter que les boutons ne se détachent.
Minerva est aussi une marque de machines à coudre bien connue, qui existe depuis 1871. Le siège social de la firme AMF Reece est aujourd’hui installé dans l’usine Minerva, qui se trouve en République tchèque.
Quelques photos des diverses implantations Reece à travers le monde.
C.H. Verbeek Amsterdam
Reece Parijs, depuis 1920.
Reece Londen, depuis 1914.
Berzack Bros. Johannesburg.
Fritz Zellweger Zürich.
Reece Frankfurt, depuis 1935.
Ma machine à bouttonnières Reece J :
Vues de la gauche, de la droite et du dessous de la machine
Photos du devant et de l’arrière de l’aiguille.
Boite à aiguilles.
Ajustement d’une Reece Rapid, quasi identique à la Reece J.
Sources:
1956 The Reece Corporation “The Reece Story”.
1982 Frank P. Godfey “An International History of the Sewing Machine”.